Méfiez-vous des filles riches!

Comme Véronique Sanson a eu sa période américaine, Monsieur Nostalgie, provincial par essence, commence l’année en évoquant un thriller romantique de 1984, se déroulant entre Los Angeles et l’île mexicaine de Cozumel, porté par un slow planétaire de Phil Collins… L’article Méfiez-vous des filles riches! est apparu en premier sur Causeur.

Jan 19, 2025 - 14:17
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Méfiez-vous des filles riches!

Comme Véronique Sanson a eu sa période américaine, Monsieur Nostalgie, provincial par essence, commence l’année en évoquant un thriller romantique de 1984, se déroulant entre Los Angeles et l’île mexicaine de Cozumel, porté par un slow planétaire de Phil Collins…


Je veux revenir en 1984, au temps béni des romances électriques et d’un monde bipolaire sécurisant, des courses-poursuites en Ferrari 308 et Porsche 911, et des riches brunes incendiaires qui viendront piétiner le cœur des beaux garçons, au soleil couchant. On a beaucoup médit sur les années 1980 ; à tort, on les trouvait vulgaires, dépensières, trop clinquantes et fatalement insincères. Alors que ce fut peut-être la dernière période transparente, limpide, où le capitalisme avançait à visage découvert et où les sentiments ne passaient pas par le prisme du mensonge et de la dissimulation pieuse. Les méchants avaient des têtes de méchants et les gentils, on les savait condamnés, dès les premières minutes. La faiblesse ne pardonnait pas, l’amour n’y résisterait pas.

Mélancolique et démonstratif

Quarante ans après, la globalisation nous a rendus tous, bien timorés et suspicieux, incapables de jouir d’un cocktail alcoolisé, d’une danse cubaine un peu trop rapprochée ou d’une accélération soyeuse sur Mulholland Drive dans un cabriolet débridé de marque allemande. Le pouvoir de l’argent était jadis aphrodisiaque, il est aujourd’hui avilissant, culpabilisant. Les générations à venir, moralisantes et bêcheuses, ne comprendront rien à cette flambe californienne qui a nourri notre imaginaire d’ado campagnard. Notre enfance aura été bercée par la douce tyrannie des blockbusters, et nous en redemandions chaque mercredi après-midi, à la séance de 14 h 00. Je n’ai pas peur d’affirmer qu’Axel Foley (Eddy Murphy) et Martin Riggs (Mel Gibson) ont fait plus pour notre éducation que Jack Lang et le programme commun. Pendant que notre pays se désindustrialisait et se « moralisait », nous avions déjà un pied sur la côte Pacifique, du côté d’American Gigolo et de Beverly Hills.

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Nous avons tellement aimé cette lumière frelatée, ces beautés extatiques et la lâcheté des hommes pour accéder au confort financier, que nous aurions pu demander notre naturalisation. Nous avons été percutés de plein fouet par cette industrie du cinéma qui répondait parfaitement à nos désirs primaires. Déjà, nous bouillonnions dans un hexagone qui ressassait les errements de l’Occupation et s’enthousiasmait pour l’idée européenne. A cette leçon forcée, nous préférions le sucre glace de la ruée vers l’or. Contre toute attente de Taylor Hackford, l’époux actuel d’Helen Mirren, est le film à (re)voir en plein hiver, loin d’une France ingouvernable et titubante. Il donne chaud. Il est mélancolique et démonstratif. Il est poisseux dans ses relations et saturé par un filtre d’angoisse érotique. Les corps en sueur se collent et se décollent au gré de l’intrigue, sur des plages caribéennes ou dans des temples mayas. Il est hautement instructif car nous sommes à l’éclosion du sport-business, des défaites écologistes, des promoteurs corrompus, de la drogue « festive » et d’une dérèglementation outrancière. La mesure n’est plus à l’ordre du jour. Tous les protagonistes trichent et parient sur leur chance de l’emporter, ils se saliront les mains. Contre toute attente propage une onde maléfique et jouissive. Les collines au-dessus de L.A. ne sauveront personne, les élus comme les anonymes. Cet eldorado-là est pourri jusqu’au trognon. Ce film est un remake de La Griffe du passé de Jacques Tourneur avec Robert Mitchum, Jane Greer (au générique des deux versions, elle interprétait la fille dans le premier, elle sera la mère distante dans le second) et Kirk Douglas. L’histoire fonctionne comme un engrenage avec quelques flash-backs, un footballeur sur la touche (Jeff Bridges), l’épaule en écharpe et un genou en vrac, endetté jusqu’au cou et lâché par son équipe, est missionné par un « ami » (James Woods), patron de discothèque et producteur canaille pour retrouver son amante (Rachel Ward) qui lui a donné quelques coups de couteau en guise d’adieu et laissé son chien Sam, de race « esquimau américain ». Tout le monde court après cette jeune femme, tantôt ange perdu, tantôt vamp involontaire qui s’est réfugiée dans cette île mexicaine.

Coups de feu

Il y aura des dérapages, des coups de feu, des morts, des sales types, des avocats véreux et des dessous de table. Le film, bien aidé par la bande-son, notamment le tube Against All odds qui fit des ravages des boums berrichonnes aux duplex de Manhattan et aussi d’autres chansons interprétées par Peter Gabriel ou Kid Creole et ses Coconuts, est une ode à Rachel Ward. Au début, perplexe, car nous ne l’avons pas encore vue, on se demande pourquoi cette fille attise toutes les convoitises. Et puis Rachel apparaît, en maillot une pièce ou en pull trop ample, et là, on est frappé par sa puissance, et chacun de nous cherchera toute sa vie sa Rachel.

1h50. Visible en VOD sur MyCanal

https://vod.canalplus.com/cinema/contre-toute-attente/h/2990471_40099

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